Ça tombait bien. Mes amis F. & A. V. m’ont offert à mon anniversaire (outre un discours et une soupe à lettres inoubliables) deux livres, des livres qui sortent un peu des routes nationales de la littérature que j’utilise généralement.
Je viens de terminer la lecture de l’un des deux, une départementale sinueuse et mal éclairée …. terminé un jour avant la sortie d’un nouvel opus de l’auteur qui déclenche une polémique d’une intensité rare….
« Configuration du dernier rivage » de Michel Houellebecq.
Il s’agit d’un recueil de poésie « écrit par un salaud et lu par des crétins » (p. 79 – phrase sorti du contexte du poème : « (un moment de cosmologie)) ». Notre « Baudelaire de supérette » (Libération) y s’exprime en 5 parties [« L’étendue grise », « week-end prolongé en zone 6 », « mémoires d’une bite », « les parages du vide », « plateau »] intimement et pas tendrement du tout à l’aide d’alexandrins, de vers libres et autres décasyllabes sur la fin, la maladie, le dernier rivage (et les ravages), une détresse certaine (toutefois pas loin de quelques élans de tendresse non plus). Nostalgie, regrets, évidence du désastre (et son refus obstiné) avec parfois une mini-lueur heureuse, comme un espoir que la joie pourrait être derrière le tunnel, un peu avant l’abîme…
Un livre donc pas gai du tout, quelques sauts d’humour (noir), des instances d’un romantisme sombre étonnant jouxtant un cynisme à toute épreuve….. et la maladie gravite autour, imprègne toutes les pages (soit sous forme de « fatigue », « champignons », de « carcinomes », dégoût….) . Le monde y est décrit « rempli d’objets variables//D’un intérêt moyen, fugitif s et instables,// une lumière terne descend du ciel abstrait. « (p.37).
Voici quelques extraits (sur la centaine)…. J’en ai annoté pleins….Faut dire qu’il y a des pépites dans ce maelstrom noir à ne pas être lu par des dépressifs…
IV.
Un matin de grand clair beau temps//Tout rempli de pensées charnelles//Et puis le grand reflux du sang,// La condamnation essentielle ;
La vie qui s’en va en riant // Remplir des entités nouvelles, // La vie n’a pas duré longtemps, // La fin de la journée est si belle. (p.61)
VI.
Au bout de quelques mois// ou de quelques semaines)// Tu t’es lassée de moi//Toi que j’avais fait reine.
Je connaissais le risque,// En mortel éprouvé ; // Le soleil, comme un disque, // Luit sur ma vie crevée.
VIII.
Ma vie, ma vie, ma très ancienne,// Mon premier vœu mal refermé// Mon premier amour infirmé// Il a fallu que tu reviennes
Il a fallu que je connaisse// Ce que la vie a de meilleur,// Quand deux corps jouent de leur bonheur // Et sans cesse s’unissent et renaissent. (p.65)
Un instant large, hostile, où tout s’agite et bouge ;
Sur les balcons du ciel se tord une nuit rouge,
Soutien-gorge du vide, lingerie du néant
Où sont les corps en vie qui s’agitaient dedans ?
Ils sont partis vaquer dans des prairies malsaines. (p.95)
ou aussi :
Jean-Louis Aubert a mis récemment en chanson quelques uns de ces poèmes ….