Il était une fois le roman « Soie », ensuite « Novecento » et plus tard « Sans sang ».
Depuis, et cela me paraît des années lumières, je ne me rapelle guère d’avoir lu un autre livre des 13 ouvrages de Alessandro Baricco. Lors du traditonnel échange de livres de notre Club de Lecture j’ai hérité de « Mr. Gwyn » – le dernier livre en date traduit par Lise Caillat, qui nous offre ce que j’appelle une bonne traduction – puisque invisible.
Ce livre court, concis et poétique se lit rapidement et avec des moments de sourire étonnés. En effet, le sujet : un écrivain n’a plus envie d’écrire des livres (bestsellers), mais – se rendant compte d’un manque ….il veut écrire des portraits, devenir « copiste » :
« Jasper Gwyn expliqua que ce projet d’écrire des portraits l’attirait parce qu’il mettait son talent à l’épreuve. Il se rendait compte du caractère absurde des prémices, mais c’était justement cela qui lui plaisait, dans l’idée que si on retirait à l’écriture la finalité naturelle du roman, quelque chose se produirait, un instinct de survie, un sursaut, quelque chose. Il dit aussi que ce serait ce “quelque chose” que les gens achèteraient et rapporteraient chez eux à la fin. Il ajouta que ce serait le fruit imprévisible d’un rituel intime et privé, non destiné à remonter à la surface du monde, échappant par là aux malheurs qu’il avait subis dans sa carrière d’écrivain. En effet, conclut-il, nous parlons d’un autre métier. Un métier dont un intitulé possible serait : copiste. » (page 69)
Le lecteur assiste aux reflexions sur l’écriture, sur les raisons qui poussent Jasper à arrêter l’écriture de bestsellers. Mais nous assistons également à la naissance de ce désir de retrouver l’écriture, ressenti comme une drogue (tiens, tiens) :« …l’effort quotidien pour mettre en ordre ses pensées sous la forme rectiligne d’une phrase…. » (p.21)
On le suit à la recherche d’un atélier pour les séances de pose (oui, les sujets-clients devront se mettre « à nu » au propre et au figuré), l’ami-compositeur David Barber (sic!) – il a un chien – un griffon vendéen – au nom de Martha Argerich (sic!) – va composer une sonorisation qui ira de pair avec le cliquetis, les bruits des tuyauteries et les tâches d’humidité de l’atelier : « Tu n’as pas pensé à de bons disques? demanda David Barber. – Ca c’est de la musique. Moi je voudrais des sons. – Des sons ou des bruits? Autrefois, tu disais qu’il n’y avait aucune différence. » (p. 54) – et un bonhomme va fabriquer des ampoules qui s’éteigneront après un mois pile poil….. « S’occuper de toutes ces choses l’avait très vite fait se sentir mieux et pendant un temps il n’avait plus pensé aux crises qui l’avaient tourmenté pendant des mois. Quand il sentait une forme de défaillance qu’il avait appris à reconnaître, il évitait de paniquer et se concentrait sur ses mille occupations, en procédant avec un soin encore plus maniaque. Dans le soin des détails, il trouvait un apaisement immédiat. Cela donnait lieu, parfois, à des élans de perfectionnisme presque littéraires. Il lui arriva, par exemple, de se retrouver chez un artisan qui fabriquait des ampoules. Pas des lampes : des ampoules. Il les fabriquait à la main. C’était un petit vieux dans un laboratoire lugubre du côté de Camden Town. Jasper Gwyn l’avait cherché longtemps, sans même être sûr qu’il existait, et il avait fini par le trouver. Ce qu’il entendait lui demander n’était pas seulement un éclairage très spécial- enfantin, lui expliquerait-il – mais surtout un éclairage qui dure un temps déterminé. Il voulait des ampoules qui meurent au bout de trente-deux jours.
– D’un coup, ou en agonisant un peu? Demanda le petit vieux, comme s’il connaissait parfaitement le problème. » (.58)
Par ailleurs, ce vieux expert expliquera (p. 60) « que les ampoules n’étaient pas des créatures faciles, qu’elles étaient soumises à de nombreuses variables, et avaient suvent leur grain de folie imprévisible. – En général, ajouta-t-il, à ce moment le client dit : Comme les femmes. Epargnez-moi ça, s’il vous plaît. – Comme les enfants, dit Jasper Gwyn ».
Ensuite le lecteur verra – après un passage d' »essai » avec son assistante Rebecca, défiler une demi douzaine de personnes auxquelles Jasper Gwynn va remettre après un mois de « travail » un portrait écrit (que bien méchamment Alessandro ne nous revelera pas…)…. jusqu’à la fin que je ne dévoilerai pas.
Livre douce-amère, fable d’amusement plus profond qu’il n’y parait dont les 183 pages défilent à une allure de brise d’été…..Comment faire pour changer de vie, de choisir un autre monde dans lequel vivre….Derrière la légerté, Baricco, funambule poétique, pose mine de rien ses doigts de fée (encore une fois merci à Lise Caillat (la traductrice) sur quelques sujets intemporels : amour, amitié, la vérité derrière les façades. Finalement un beau petit roman léger et profond qui résonne longtemps malgré la caresse poids-plume des mots.
J’ai adoré les deux livres que j’ai lus de Barrico, Soie et Novecento, pianiste ! Comme tu dis, on entend la musique bien après, comme les harmoniques, ces notes silencieuses qui continuent de jouer après que la musique se soit éteinte… Celui-ci est noté dans mon carnet mais j’ai un tel retard et une bonne centaine de livres à lire que ça va attendre un peu, même si…même si je ne suis pas sûre de ne pas craquer lors d’un passage en librairie ! 😉
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Je n’ai lu que Soie, j’en avais essayé un autre mais qui m’était tombé des mains
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Je peux comprendre Yves. Barricco peut être assez déconcertant parfois.
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