Années légères, années lumières – Le Bonheur ?

Jean Renoir : « les seules choses importantes d’une vie sont celles dont on se souvient. »

bonheur

« Light Years » de James Salter est publié en français par le titre « Un Bonheur parfait »  –  On parle actuellement tellement de son livre « All that is » (curieusement traduit en français par « et rien d’autre » que je voulais, avant de lire (en V.o.) ce dernier opus (« effortlessly beautiful, funny, sexy and Wise » (Observer)), voir de moi-même à quel saint culte je me vouerais  notamment après avoir lu un entretien avec lui dans le Monde. « Light years » a été publié pour la première fois en 1975!

Comme dans le roman de  Le bonheur de Viri et Nerda porte en lui sa propre destruction. Viri (Vladimir) et Nedra (rapprochée à un moment à Nora – Ibsen) sont un couple trentenaire d’apparence heureux (uni, beau, intelligent, élégant) envié par leurs amis. Salter par des petites scènes, des dialogues plus vrais que nature, va gratter le vernis de ce tableau de félicité (enrichi de deux enfants – belles phrases sur les enfants – et un chien).

Peu à peu des doutes s’immiscent (dans le lecteur ET le couple) et tout doucement, comme une caresse rêche, les mots se drapent d’une musique sombre et mélancolique de plus en plus dense…  Les infidélités de Nerda qui cachent l’infidélité jalouse de Viri. La soif de liberté de Nerda…. (qui est devenue « sa plus proche parente« )

« Viri, dit-elle par la porte, tu ne crois pas qu’il vaut mieux qu’une femme suive son désir et soit heureuse, généreuse, plutôt que fidèle et aigrie? » (p. 241)

C’est elle qui ne veut plus « retourner dans notre ancienne vie » – et entame le divorce…Lui va se remarier plus tard avec une italienne rencontrée à Rome (Lia) sans pour autant éviter les « les galets usés de la vie conjugale, tout ce qui est beau, tout ce qui est quelconque, tout ce qui nourrit ou fade les choses ».

Sauver le moment heureux… « Il n’y a pas de plus grand bonheur que celui-ci, les matins tranquilles, la lumière du fleuve, la perspective d’un week-end, ils menaient une vie riche où toute où s’entremêlaient les événements, où les malheurs, l’échec, la maladie, de l’un d’eux les ébranlaient tous. Une vie belle à l’extérieur, chaude à l’intérieur, comme un vêtement« …. ou plutôt le souvenir du bonheur.

Ce qui rend parfois pas aisé la lecture, tout en ellipse, images qui se télescopent ou se brisent et reprennent plus tard, éclats de souvenirs, éclats de bonheur, de joies immenses, de moments tristes aussi – la vie, quoi…… C’est à nous, les lecteurs de remplir les blancs, compber les silences,

Pour exemple des extraits des pages 238 ss….

« Envers son mari, elle se montrait compréhensive, voire affectueuse, pourtant ils dormaient comme s’ils avaient signé un contrat : même leur pieds ne se touchaient jamais. Et il y avait bien eu contrat : le mariage. « Nous devons  en parler au passé », lui dit-elle. La lumière d’automne inondait tout. Elle entrait par chaque fenêtre, imprégnait l’air même. Sur la table, les dures pommes jaunes, les pages du journal. « Nedra, notre mariage n’est pas mort, c’est clair. – Veux tu des toasts? – Oui, merci. Si, il l’est » affirma-t-elle. ….(suit la description d’entré de Mark et Franca… – avant de reprendre le fil de ce dialogue impressionniste une dizaine de lignes plus loin…) … « C’est comme une photo brûlée, dit-elle calmement. Certains morceaux du cliché sont encore là, mais la partie principale a disparu à jamais ».  Viri eut un faible sourire. Il garda le silence. « Nous parlons du mariage, expliqua-telle à Mark…. »

Le livre est traduit par Lisa Rosenbaum et Anne Rabinovitch.

« A l’origine, je n’avais pas choisi de travailler sur le bonheur. Je voulais écrire à propos d’un couple que je connaissais très bien, autrefois. Non pas en dressant leur profil conjugal, ou en tirant leur portrait. Mais plutôt en rassemblant une série d’images signifiantes, les plus importantes, celles que le souvenir aurait gardées. Restituer la façon dont le passé apparaît à notre mémoire en créant un enchaînement d’images plus que des scènes complètes. Puis je suis tombé sur cette citation de Jean Renoir : « les seules choses importantes d’une vie sont celles dont on se souvient. » Elle m’a conforté dans ma volonté. Et puis, plus tard… Vous savez, j’ai écrit ce livre sur ce couple dont je vous parlais. Quand le livre est sorti, ils étaient encore ensemble. Et quelques années après, ils ont divorcé. Elle est morte, il s’est remarié. »  – comme dans le livre – (Salter dans une interview donné en 2008 à Magazine Littéraire)

Je retiens de ce livre surtout un ton, une musique nostalgique tout en ruptures et brisures, une balade presque triste. Salter arrive à vous faire sentir le poids de la vie, de la difficulté de se souvenir des choses, de nous rappeler que les souvenirs blanchissent, perdent avec les ans de couleurs (Nera qui n’arrive plus à se souvenir des visages de ses amants… – ils n’étaient finalement pas importants? – qu’est-ce qui est important dans une vie?)…

 

A propos lorenztradfin

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