Il y a des (petits) romans qui vous tendent la main sans crier gare.
A la recherche d’un (petit) texte pour un (petit) voyage je suis « tombé » par hasard sur Philip Vilain (justement l’auteur de « Pas son genre » qui a servi de trame au film du même nom https://lorenztradfin.wordpress.com/2014/05/18/chaton-tout-a-fait-mon-genre/) et son roman « La femme infidèle » (J’ai Lu, 132 pages)… et quasiment en prolongation de ou écho à un film vu dont je n’ai pas encore parlé « On a failli être amies » de Anne Le Ny).
« Je n’oublierai jamais le jour où j’ai appris que ma femme me trompait. » (1ere phrase)
L’homme qui tombe sur des SMS échangés entre un autre que lui et sa femme, messages inéquivoques. Toutefois, il décide de ne pas en parler à sa femme quand elle rentre du travail : « Pourquoi me regardes-tu comme ça? » – Mais je ne sais pas pourquoi je te regarde, dis-je sans réfléchir. Je n’ai pas le droit de regarder ma femme? » (p.13)
A partir de cette situation de départ : l’homme ne détruis rien sur son passage, ne fait pas de reproches, ne se venge pas, ne tabasse personne, non, il ne fait rien – il est en état de choc. Vilain relate – en « flashback » les souvenirs que son personnage masculin blessé a encore des mois suivants, pendant lesquels le narrateur va observer sa femme, scruter les gestes, les humeurs. Longues semaines pendant lesquelles il passera par toutes les phases (« si trop penser rend fou, moi, c’est de ne plus y penser qui m’aurait rendu fou. Je ne savais penser qu’à ça….. je lisais les témoignages d’hommes trompés sur les forums d’Internet et me plongeais avec avidité dans des romans en rapport avec ce que je vivais « (p. 17) : révolte, déception, incrédulité, amour propre blessé, une vie sexuelle ravivée (toutefois avec des apartés douloureux…. » pas une journée ne passait, en effet, sans que je ne me surprenne à penser à eux, ma femme et son amant, à les imaginer dans une chambre d’hôtel….en train de faire l’amour, à deviner, surtout, ce qui m’était plus cruel, le visage épanoui de ma femme quand elle jouissait, son regard contenté et mouillé, heureuse comme peut-être elle ne l’avait jamais été avec moi, heureuse comme peut-être je n’avais jamais su la rendre. » (p.65). questionnement du quand-lui-parler….
La lecture des quelques extraits ci-dessus laisse entrevoir que P. Vilain fait une sorte de digest des tourments de la personne trompée (il y a certainement des étudiants ou professeurs en littérature qui se sont – déjà – penchés sur le traitement de cet éternel sujet du triangle amoureux, qui comparent les visions des écrivains-hommes (L. Duroy p.ex. aussi) avec celui des écrivaines tel qu’Annie Ernoux, Laure Adler, F. Chadernaggor (« La première épouse »!!) Danièlle Sallenave (« La vie fantôme » (!)) ou « La conversation amoureuse » A. Ferney…. (sans parler des aventures de A. Karenine et/ou de E. Bovary….)
Vilain dispose d’une écriture simple pour parler de la complexité de la vie de couple, ne s’appuie pas sur une recherche stylistique, ne poétise ou métaphorise des états d’âmes et l’état de confusion dans lequel le narrateur se trouve en re-considérant les 8 années de mariage qui se trouvent d’un coup baignés d’une lumière blafarde, déformante…. « Ce n’était plus la même femme avec laquelle je vivais, plus la même avec laquelle je couchais. J’avais connu trois femmes en elle depuis que je l’avais rencontrée – (1) Morgan Lorenz la séductrice, (2) ma femme, Morgan Grimaldi-Lorenz, la docile, (3) l’infidèle -, que je n’arrivais pas à faire coïncider…. »(p.81)
La couple va partir à Naples (avant de vouloir embarquer à Capri – le lieu d’un premier bonheur de leur couple) – ce qui m’a rappelé le film de Rossellini de 1953 (encore lui) « Voyage en Italie » qui se passait également à Naples…. et que j’ai « déjà » évoqué récemment :https://lorenztradfin.wordpress.com/2014/04/30/sicile-en-avril-3-scicli-modica-ragusa/ – Je ne dis pas comment le roman finit, sachez juste que c’est la femme qui va raconter, dire, se « libérer » : « …mais je voudrais au moins que tu saches, même si j’imagine que cela ne te consolera pas, que : 1. je n’ai jamais aimé cet homme, et, 2. tu n’as rien à voir dans tout ça, que ce n’est pas ta faute si je t’ai trompé…. » (p.116).
Donc pas de sublimation par un style ou par une « mise en scène » de ce « drame banal » – quelquefois des phrases-maximes-clichéesques, très agréable à lire – presque une lecture de plage, et à recommander (et non seulement aux femmes).
Tristement humain ou humainement triste. C’est ainsi la vie…
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Rare toutefois qu’un homme se livre de cette façon. Dans ce domaine, je n’ai lu que des auteurs féminins. D’où un certain étonnement devant les extraits.
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pour cette raison il est (particulièrement) intéressant – et quasi « documentaire », avec sa part de douleur et un certain détachement par moment – qui est tout autre que les récits féminins cités dans mon « article » et dont j’ai appréciés bon nombre il y a des années…
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