Lu dans le cadre de la sélection du Livre Inter 2014
« Dernières novelles du Martin-Pêcheur » de Bernard Chambaz
Il y a maintenant 23 ans que B. Chambaz a perdu son fils – depuis cet auteur traite – d’après ce qu’on m’a dit (j’en ai lu aucun) – de cette disparition prématurée dans tous ses livres. Là c’est la sélection du Livre Inter 2014 qui me fait lire son « roman » qui m’a touché grâce au pas de deux réussi de la joie et du deuil qu’il y chorégraphie.
Chambaz, accompagné de sa femme Anne – qui le suit/précède en Cadillac – va traverser en 2011 les Etats-Unis en vélo (d’Est en Ouest). Ce n’est pas un vrai exploit sportif, plutôt une sorte de pèlerinage (vu que ce même trajet la famille au complet l’avait fait déjà – et vu qu’il veut/qu’ils veulent « retrouver » la mémoire de leur fils).
De fait, le lecteur se voit offrir – en 319 pages – la description du périple, matinée d’un kaléidoscope d’impressions sur les Etats-Unis – les bars, cafés, restaurants, motels – descriptions (pas assez à mon goût) de paysages, réflexions ou récits pêle-mêle de/sur et/ou autour de Roosevelt, Lindberg, Lincoln, Baseball, M.L. King…. et tout, absolument tout est toujours vu soit en relation avec ou à travers le prisme du fils perdu, Martin. Il y a toujours un élément, un fait, un nom qui évoque ce fils. Par ailleurs, ce fils il va apparaitre sous forme de « fantôme » aux parents, parfois aussi sous forme d’oiseaux…. d’où aussi le titre du Martin-Pêcheur (http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/martin-p%C3%AAcheur/184022)
Les chapitres sont simplement soit titrés d’une date – le voyage debute un 11 juillet et se termine le 21 août – soit d’une indication géographique genre p.ex. : « 41° 20′ lat. N/86′ long W »…. Ce dernier chapitre commence ainsi :
« Que nous ressentions le deuil comme un état intangible n’empêche pas de vivre. » (p. 83)
Il y a des chapitres fort, d’autres un peu moins. Ainsi j’ai p.ex. bcp aimé le n° 6 qui traite du terme et champ lexicale autour de « orphanos » par rapport au « bereaved » ou « bereft » anglais. Pas étonnant, j’aime les mots et je suis traducteur.
« C’est devenu un lieu commun de dire qu’il n’y a pas de mot pour désigner le père et la mère qui ont perdu un enfant. ….. le terme orphanos dit aussi bien l’enfant qui a perdu un parent que les parents qui ont perdu un enfant, sans considérer le désordre des temps. On retrouve la même racine en arménien, celte, germanique, hittite, finnois….quant à orbus, il signifie aussi « aveugle » et nous notifie à sa façon que nos avons perdu la prunelle de nos yeux……(pour déboucher ensuite sur « dessaisis » du bereft….)
Il y a des appartés tendres dans ce « journal » qui ne s’inventent pas:
….J’ai entretenu le rêve d’offrir à Anne un petit bouquet de roses pour trente-cinq étapes, trente-cinq roses pour les 35 ans de Martin….. (p. 313) ou
« La nuit s’attarde, le soleil arrive une heure plus tard qu’hier. Anne dort encore, le drap froissé en biais sur ses épaules. Elle dort profondément, loin des rêves récurrents où elle a l’habitude de se perdre. A ces moments-là, elle paraît la moitié de son âge. (p. 171) »
ou de belles descriptions de paysages (p. 239 Colorado!!!)
Il y a le vélo aussi. Parfois les lignes consacrées soit aux vêtements, ou aux efforts et peines et/ou joies du vélo m’ont fait penser à mes amis L. & S. grands avaleurs de pistes et de kilomètres (asphaltiers ou non) :
« Voir, c’est aller à la chose. Etre à la fois ici (d’où je vois) et là-bas (où je vois). Extase, moi pédalant sur ma selle, comme Thomas d’Aquin célébrant la messe. Lui, il cesse d’écrie. Car tout ce qu’il a écrit lui paraît comme de la paille en comparaison de ce qu’il a vu. Moi, je continue, de pédaler et d’écrire, je suis comme ça. Je suis si petit sur mon vélo dans cette immensité, et c’est comme si je me voyais, pour de vrai, d’en haut. Depuis que j’ai pris conscience qu’à vélo non seulement nous faisons partie du paysage, mais nous sommes le paysage, j’en attends les signes de confirmation. (p. 252)
Un livre qui m’a touché, qui est bien écrit…. juste un peu, comment dire, trop égrené, façon chapelet, sans véritable tension, ou rythmé ou tendu vers un chapitre culminant p.ex. Aussi un peu, déjà vu/entendu (les descriptions de la plupart des paysages, toutefois réalisées à hauteur de vélo…. je les ai déjà lu mille fois ailleurs (et parfois mieux – dans les livres de chez Gallmeister par ex. ).
Quant à l’évocation du fils disparu trop tôt, donc avant les parents, j’ai du respect pour la douleur des parents, ineffaçable, mais toutefois il y avait qqchose qui m’a gêné, que je n’arrive pas à nommer.
Somme toute un beau livre pas triste, souvent érudit. Toutefois quand j’y pense le livre de J.A. Bertrand a provoqué davantage de résonances. Et une amie lectrice avait du mal dès le début, parce qu’elle sentait le livre de commande….
salut l’ami!
« mais toutefois il y avait qqchose qui m’a gêné, que je n’arrive pas à nommer. »
sais-tu dire depuis, ce qui te gêne?
et de quel livre de J.A. Bertrand parles-tu?
Schöne Grüsse aus dem hohen Norden,
Silvia
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Salut belle amie du Nôôôrd…. La « gêne » – peut-être finalement parce que l’écriture de ce récit-roman a l’air d’avoir été sponsorisé (œuvre de commande)…. qqs indices (marque du vélo, remerciement pour les « sponsors », les cinq minutes et cinquante secondes d’apesanteur accordées par L’Observatoire de l’Espace du CNES – qui tombent comme un cheveu sur la soupe de petits pois…). Quant au livre de J.A. Bertrand : « Comment j’ai mangé mon estomac » https://lorenztradfin.wordpress.com/2014/04/08/estomac-delicat-ame-sensible/ Bizz à toa!!
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