« Le Turquetto » de Metin Arditi
Prix Page des libraires, prix Jean Giono, prix des libraires de Nancy-Le Point, prix Alberto-Benveniste ainsi que le prix Culture et Bibliothèques pour tous…. C’est une amie lectrice (A.) qui m’a passé ce livre en me promettant de vivre une plongée enivrante dans la Renaissance…
L’Homme au gant est l’objet d’une fiction littéraire dans le roman de Metin Arditi, Le Turquetto. L’auteur imagine que ce tableau est peint par un juif turc exilé à Venise, prodige surnommé le Turquetto, et aurait été sauvé d’un autodafé par Titien qui y aurait apposé le T de sa signature. Le point de départ de l’histoire est une note au lecteur et un rapport fictif d’analyse du musée de Genève remettant en cause l’authenticité de la signature de Titien.
http://fr.wikipedia.org/wiki/L’Homme_au_gant
En effet, en 4 grandes parties (Constantinople – Septembre 1531; Venise – Août 1574; Venise – Juin 1576; Constantinople – Septembre 1576), nous suivons la vie d’un jeune homme né de parents juifs en terre musulmane, doué pour l’art (le dessin, la peinture) qui s’exile très jeune à Venise sous une identité d’emprunt, devient un peintre de très grande renommée et qui chutera de très haut…
C’est un roman historique et d’aventures constitué de courtes courtes scènes assez vivantes qui créent, de manière convaincante le décor (la Renaissance), une ambiance (A. avait raison de me dire au moment de me passer ce livre lors d’une de nos soirées club-lecture, que des lignes se dégage un parfum d’orient des souks…), des personnages (nés de l’imagination de l’auteur), les enjeux (surtout religieux) – avec des réflexions sur les rapports de l’art, du divin et du pouvoir.
Pour être tout à fait honnête, dans un premier temps (je dirai même jusqu’au chapitre II (Constantiople – p. 82), les miniatures elliptiques parsemés de termes arabes et italiens (« Prezzo pazzo…, soudjou, iskemledji, tepsis…) de M. Arditi m’ont dans un premier temps assez déroutées. J’aime bien quand l’auteur laisse la place à l’imaginaire du lecteur, mais là, je me sentais parfois trop libre, un peu perdu et sans véritable empathie pour le personnage central. Ce n’est qu’à Venise que je me suis coulé dans le bain turco-venitien (p. 87) et je ne l’ai plus lâché, aspiré (et habitué au style Arditien) par les fresques de la vie vénitienne, l’inquisition, les odeurs de la peinture…
Elie s’asseyait en tailleur, fermait les yeux, cachait son visage de ses mains et, tout à l’intérieur de lui-même, s’imaginait en train de dessiner. Une mine de plomb à la main, il traçait un premier trait, par exemple un ovale de visage ou une ligne d’épaule, puis un deuxième, comme s’il dessinait vraiment, et ainsi de suite jusqu’à ce que le dessin soit en place. Il le regardait alors avec intensité, ajoutait ici une ombre, là un dégradé, fronçait un regard, marquait une tension sur un muscle, exactement comme si tout ce qu’il faisait était réel. Après quoi il regardait le dessin en y mettant toutes ses forces, s’en imprégnait jusqu’au plus infime détail, et le déposait sur le haut d’une pile, imaginaire elle aussi, dans un coin précis de la pièce minuscule qu’il partageait avec son père.
Le plus étrange, lorsqu’il dessinait pour la « pile », touchait à la violence des émotions qui le traversaient. Dans de tels instants, un sentiment de suprématie le portait tout entier. Rien ne lui semblait impossible. Il travaillait à la plume, au pinceau, ou à la mine d’argent, utilisait mille couleurs, donnait des effets d’ombre ou de clair-obscur, en un mot, il dessinait selon son bon vouloir. Il était, enfin, maître de sa vie. p.16)
Une critique/lecture de Bruno Frappat :
http://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Le-petit-genie-de-Constantinople-_NG_-2011-08-24-702837
et une autre d’un lecteur qui aime faire voyager les livres…http://leslecturesdasphodele.wordpress.com/2012/07/26/le-turquetto-de-metin-arditi/