Lu « Nue »
Le dernier opus du quatuor des 4 saisons « Marie Madeleine Marguerite de Montalté » de l’écrivain Jean-Philippe Toussaint. L’opus de l’hiver.
Mais oui, je ne voulais plus le quitter, le couple que forment le narrateur et Marie, un couple qui se fuit, qui se cherche. Toussaint à fait le tour de Marie, mais vu qu’elle n’est pas décrite physiquement le lecteur peut se l’imaginer et s’approprier et insérer dans son propre roman d’amour. Et l’idée que je me fais d’elle (cette fois plus femme d’affaire) est devenu plus précise
« Il y avait toujours eu, chez Marie, une qualité d’émotion incomparable, qui ne tenait pas tant aux circonstances réelles qu’à cette disposition océanique que j’avais repérée en elle, qui acérait sa sensibilité, l’exacerbait et faisait vibrer ses sentiments avec une intensité hors du commun. » (p.146)
De nouveau le lecteur est trimballé de Tokyo, à Paris et sur l’Ile de l’Elbe. Une nouvelle fois on est ébloui par la capacité de Toussaint de partir d’un rien, de petites choses observés vers quelque chose plus général – dans une fluidité mélodieuse et enviable, et sans véritable intrigue – en fait on s’en fout presque de l’intrigue …(comme dans la « Vérité… »).
Tout commence avec une scène étonnante – un défilé (avec une robe de miel, suivie par un essaim d’abeilles…..pour finir sur l’Ile de l’Elbe avec un soupçon de roman policier et surtout pour se terminer avec un point d’interrogation….
Astrid Manfredi dans le blog Laisseparlerlesfilles (http://laisseparlerlesfilles.com/2013/09/28/rentree-litteraire-nue-de-jean-philippe-toussaint-leloquence-des-coeurs-mis-a-nu/) écrit ce beau passage auquel j’adhère complètement (et pourtant je suis loin d’être une femme) :
Designer des mots, Jean-Philippe Toussaint berce d’une retenue feutrée le vertige d’une séparation. D’une thématique maintes fois abordées, il réussit par la grâce de son phrasé à voiler d’intemporalité le dénuement des cœurs. Infiniment mélodique, ce court roman est aussi une déclaration d’amour à la grande littérature, de celle qui nous grise tant elle concerne notre intimité. Il est doux d’être une femme et de lire ce qu’un homme ose encore écrire pour une femme. Il est doux d’être une femme et de lire la peine d’un homme, cet homme dont bien souvent nous omettons les tourments nous arrogeant la légitimité du mot. Sans fausse pudeur mais avec un sens minutieux de l’horlogerie littéraire, Jean-Philippe Toussaint ré-enchante l’espoir du retour de l’être aimé. Un roman fluide dont la quête de perfection demeure suffisamment discrète pour laisser au lecteur la place qui lui revient. A lire tout au creux de soi.
Ce qui me fait penser à une chanson (Francesca Solleville/A.Leprest/ J. Ferrat)
Donnez-moi la phrase qui pleut
Celle qu’on dit, le cœur frileux
La bouche peinte à l’encre bleue
Une phrase en joyeux désordre
Un cri qui refuse de mordre
La bouée, le grappin, la corde
Qu’on lance dans les naufrages
Donnez-moi la phrase
La phrase qui endort l’enfant
La phrase qui couche le vent
Qui ranime les morts-vivants
Le mensonge de rien du tout
Deux ou trois mots mis « bouzabout »
Qui chauffent le ventre et les joues
La goutte d’eau qui embrase
Donnez-moi la phrase
Donnez-moi le filet de voix
Qui jaillit du dernier convoi
Donnez-moi la phrase qu’on voit
La pensée douce du martyr
Le prénom qu’il n’a pas pu dire
Son chant lancé au pas de tir
Qu’un vol de colombes croise
Donnez-moi la phrase
Un air de chemin vicinal
Une phrase sans point final
La merveilleusement banale
Celle qui noue toutes les langues
L’écho du sexe dans la mangue
Sans préambule, sans harangue
Sans morale, sans emphase
Donnez-moi la phrase
La phrase juste mais naïve
Qu’a pas eu les honneurs d’un livre
La phrase d’un jour de lessive
Cet adieu qu’on ne voulait pas
Celui qu’on laisse après ses pas
Comme un petit morceau de soi
Posé sur la table rase
Donnez-moi la phrase
Donnez-moi la phrase
La phrase
Tant d’enthousiasme pour une série que je vais forcément lire…
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