Vu un petit bijou de film français en NB et court (1h17). « La Jalousie » de P. Garrel
Une histoire simple (et compliquée en même temps) racontée avec une économie de moyens qui force l’admiration. Les critiques des Cahiers de Cinéma l’ont élu 7e meilleur film de l’année….et je dois dire que je ne suis pas loin de penser que ce film mérite en effet une place sur ce podium.
Le film a cette âme et émotion qui manquait complètement à « The immigrant » (de J. Gray).
Louis (père d’une jeune fille – Louis Garrel) quitte sa compagne (Clothilde – Rebecca Convenant) pour vivre avec une autre (Claudia – Anna Mouglalis – elle a une voix rauque à damner !!!- et si j’ai bien suivi compagne de Louis dans la vraie vie). Après une période (dont nous ne connaissons pas la durée) Claudia va le quitter à son tour. Louis, lui, sera seul.
En petites scènes et d’autant d’ellipses nous suivons l’évolution de ce trio (quatuor – en comptant la fille). La mise en scène – douce amère aux sons doux violents – est d’une simplicité magnifique, pas de chi-chi, et chaque scène dévoile un sentiment, un abîme, une vibration. Telle scène ou Louis dit à Claudia que ça lui fait mal de l’imaginer dans les bras d’un autre, Mme. répond par « Alors, n’imagine pas« ….(suit un blanc….) , ou l’autre ou Clothilde se trouve en face de sa fille qui a passé l’après-midi avec son père (et l’autre) et revient avec un bonnet cadeau de cette dernière….Et la mère qui encaisse, se décompose et se recompose face à la fille pour faire comme rien n’était….
Le récit avance doucement mais inexorablement – (avec la légèreté d’une histoire faisant la part belle aux moments creux – CdC n° 695 p. 29). Et jamais nous voyons les couples (les amants inclus) dans leur intimité…. Ainsi chacun voit son « propre » film…. chacun « imagine »… et la présence forte des acteurs nous aide et transporte.
Le film est peu ancré dans notre période actuelle et se drape ainsi d’une certaine intemporalité – le NB aidant – (cela aurait-pu être avec Doisnel dans un film des années 60)…et je le reverrai certainement avec plaisir dans quelques années parce que sous la simplicité apparente des strates immenses attendent à être décortiqués.
N.P. aurait dit que ce n’était pas le film à voir …..- mais comment laisser passer un travail d’orfèvre de cette qualité-là?
Pour la complétude voici une critique diamétralement opposée – tirée du Petit Bulletin de GRE (et que je partage peut-être juste pour les remarques quant au titre du film* – je pense que le film va au-delà) mais que je récuse dans son ensemble, étant d’avis que le critique n’a RIEN compris – Par ailleurs, le seul aphorisme duquel je me souviens c’est quand Claudia dit à un amant d’un soir ce qu’elle ne veut pas entendre de lui, pour ne pas « la faire descendre de son nuage » .
Depuis ce film somme qu’était Les Amants réguliers, le cinéma de Philippe Garrel est entré dans son crépuscule, ne conduisant qu’à des caricatures sans inspiration. La Jalousie, aussi bref qu’interminable, ressemble ainsi à un territoire desséché où les fantômes garreliens, dont son propre fils Louis, le seul avec la petite Olga Milshtein à insuffler un tant soit peu de vie dans l’encéphalogramme plat de la dramaturgie, errent dans des décors vidés de tout, se parlant en aphorismes qu’on a du mal à tenir pour des dialogues. Le noir et blanc n’est qu’un effet de style, le film fuit son titre comme son ombre et sombre dans un psychodrame autarcique et épuisant, que les petites musiques composées par l’incunable Jean-Louis Aubert ne font que renforcer dans sa banalité.
Christophe Chabert http://www.petit-bulletin.fr/grenoble/cinema-article-47109-La+Jalousie.html
*Jalousie = Irritation et chagrin éprouvés par crainte ou certitude de l’infidélité de l’être aimé (TdlF)
« Sentiment douloureux que font naître, chez la personne qui l’éprouve, les exigences d’un amour inquiet, le désir de possession exclusive de la personne aimée, la crainte, le soupçon ou la certitude de son infidélité. » (Petit Robert)