Un film (même Palme d’Or à Cannes) qui dure presque 3 heures, qui donne à discuter pendant un diner et qui résonne encore le(s) lendemain(s) avec des questionnements et reactions surgis des interstices de notre insconscient ….on peut en dire honnêtement qu’il nous a pas laissé insensible…. Nous étions 8 personnes (dont une personne qui – à notre surprise – avait vu le film déjà le jour de la sortie et allait le revoir…) – 2 n’ont pas aimé (un couple), nous autres : Oui. Pour certains avec un peu de retard….deux jours après….quand la poussière des images et des pensées s’est déposée….
…..le film a duré trois minutes à peine, la camera a suivi une jeune fille sur le chemin à l’Ecole (bus, train…), et on assiste à un cours dans lequel des élèves d’une Seconde doivent disserter sur un texte de Marivaux. On est chez Kechiche ou rien n’est laissé au hazard. Catherine Lemaire (de l’Université de Liège) écrit : « La Vie de Marianne est centrée sur la rencontre entre Marianne et Valville, et sur l’impossibilité de traduire dans les rapports sociaux l’amour entre ces deux protagonistes (c’est-à-dire l’impossibilité qu’il puisse y avoir un mariage). La rencontre en elle-même est de l’ordre de l’immédiat : il suffit que leurs regards se croisent pour que le désir passe, l’envie de se revoir, l’envie de faire leur vie ensemble…..L’instantanéité de la rencontre, l’étincelle de désir ou d’amour qui surgit immédiatement : voilà ce qui est commun à nos deux héroïnes. Dans le temps du film, Adèle croise d’ailleurs Emma relativement peu de temps après la leçon consacrée au roman de Marivaux. »
Le texte lu de Marivaux : « Parmi les jeunes gens dont j’attirais les regards, il y en eut un que je distinguai moi-même, et sur qui mes yeux tombaient plus volontiers que sur les autres. J’aimais à le voir, sans me douter du plaisir que j’y trouvais ; j’étais coquette pour les autres, et je ne l’étais pas pour lui ; j’oubliais à lui plaire, et ne songeais qu’à le regarder. Apparemment que l’amour, la première fois qu’on en prend, commence avec cette bonne foi-là, et peut-être que la douceur d’aimer interrompt le soin d’être aimable.(…) Enfin on sortit de l’église, et je me souviens que j’en sortis lentement, que je retardais mes pas ; que je regrettais la place que je quittais ; et que je m’en allais avec un cœur à qui il manque quelque chose, et qui ne savait pas ce que c’était. » Marivaux, La Vie de Marianne, Paris, Gallimard, Folio classique, 1997.
Personellement j’étais scotché dès le début du film, tout en ellipses et d’une fluidité époustouflante (notamment au cours des premières 90 minutes). ….Il y a un travail extaordinaire derrière ce qu’on voit à l’écran …..A titre d’exemple : Le couple que forment Emma et Adèle va se séparer dans une scène de dispute (qui vient de quasiment nulle part) (« ….de meme, on a tourné plusieurs scènes de quasi-rupture, et finalement il n’y en a qu’une…. j’ai tourné une scène de rupture avec des parents …je ne l’ai pas gardée parce que là aussi j’avais le sentiment de trop insister, de verser dans le discours« » Abdellatif Kechiche – qui dit lui-même d’avoir filmé grosso modo 250 h (certains rumeurs parlaient de 750) , ce qui est énorme comme il en convient… ….dans les Cahiers de Cinema Octobre 2013).
C’est finalement cela qui m’a peut-être le plus touché : ces ellipses, cette concentration sur quelques moments (parfois séparés de mois/ d’années) de cette histoire d’amour, avec le temps à l’intérieur des scenes pour exprimer tout ce qui était nécessaire pour faire advancer le récit. Bien évidemment, les actrices sont le très très grand atout du film, notamment Adèle Exarchopoulos qui m’a touché (peut-être aussi parce qu’il y avait des gestes, des regards qui m’ont rapellé notre fille..-? – ..) Son visage est mobile, un peu lourd et changeant comme un ciel chargé ….à chaque scène quelque chose apparaît par miracle sur ce visage, toujours le meme et toujours différent…(CdC p. 6/8)
Les scènes de sexe??….D’après le raffut dans les medias je ne m’attendais pas à 4 « seulement » dont une, en effet, assez longue ….scenes que Julie March l’auteure-dessinatrice de la BD de laquelle est tirée le film (« Le bleu est une couleur chaude« ) ….ne juge pas « réalistes » http://www.juliemaroh.com/…. Moi je les ai vu comme de distance….comme si le fait d’approcher avec la camera la peau, les courbes….cassait toute « identification » ou plongée dans cette intimité….Je suis resté « en dehors », ne me sentais pas voyeur du tout, et ai meme failli à un moment rire de ce que je voyais/entendais….Je ne sais toujours pas ce que cela dit sur moi ou ma perception de ces scènes…. Ci-dessous (en anglais) un lien qui donne un coup de projecteur sur la representation de la sexualité homosexuelles (vu par les homosexuelles)
http://www.buzzfeed.com/skarlan/real-lesbians-react-to-lesbian-porn
Une chose est sur : J’ai beaucoup aimé le film. Certainement pas au point d’y retourner toute de suite, mais je sais que je le reverrai avec plaisir. Parce qu’il est riche…. (art, littérature, differences de classe, d’éducation, l’Education et passation de Savoir aux autres….de conception de vie, l’éveil à la sensualité…). Aussi pour dénicher une nouvelle fois les idées de mise en scène, pour être de nouveau surpris de quelques raccords, de certaines ellipses….
Il y a des gens qui savent mieux parler du film. J’ai trouvé – mieux qu’une critique- une analyse-lecture du film de l’Université de Liège. Passionnant!
http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod_1379667/mais-pourquoi-la-vie-d-adele?part=1 Maud Hagelstein et Antoine Janvier (Université de Liège)
Merci, Bernard pour cette belle impression. Je te dirai ce que j’en pese lorsque je verrai ce fameux film.
J’aimeJ’aime
J’espère bien !
– Voici aussi l’extrait d’un mail que j’ai reçu d’une amie qui va dans le meme sens de mon ressenti :
« Nous l’avons vu avec un couple d’amis, « très catho , mais de gauche » et nous avons adoré… nous en avons discuté pendant tout le repas ….., en voyant le générique j’ai pensé « déjà fini ! mais ça vient de commencer ! » …..J’ai tout de suite reconnue A. dans les traits de Adèle et sa fraîcheur, sa joie de vivre et de découvrir… sa confiance dans ce qui lui arrive…Quel tour de force Kechiche a réalisé là !! rien absolument rien de pesant comme dans « la graine et le mulet » ! Un film magnifique qui ne sera pas vu par le grand public, j’en ai peur ! si l’on en juge par le nombre de clients dans les salles… »
J’aimeJ’aime