Opus obus

Dans le cadre de la semaine internationale du livre (il fallait saisir le livre se trouvant le plus proche, ouvrir à la page 52 et a retranscrire la 5ème phrase) MLS avait mis la phrase suivante :

« Le voilà, assis là, sur ce champ de bataille dévasté, à côté de la tête d’un cheval crevé, une jambe repliée à l’envers, sanguinolente, tout près de défaillir d’épuisement, avec ce type qui revient de chez les morts en dégueulant... »

Scotché par cette phrase, j’ai demandé de quel livre  elle était tirée…. »Au revoir là-haut » m’a-t-elle répondu, en rajoutant « Tu sais, Pierre Lemaitre, ici on est assez accros…, Alex, La robe du marié, Travail soigné, Cadres noirs…. »  Silence de mon côté, je ne l’avais jamais entendu ce nom (honte sur moi) …..mais ces quelques mots m’ont titillé assez pour m’inciter à acheter le roman et de me plonger dans ses boyaux …presque sans prendre le temps pour respirer….

Un plaisir immense de lecture picaresque – un recit mené tambour battant et toujours empreint d’ironie, d’humour noir qui plus d’une fois m’ont fait rire.

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4e de couv:

Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale.Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts… Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, »Au revoir là-haut » est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’Etat qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.  Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionants.

Personnages hauts en couleurs : le méchant (« sauvage et primitif ») lieutenant d’Aulnay-Pradelle,  Albert Maillard (qui ressemble assez à un portrait de Tintoret…tout en ressemblant …plutôt à un Saint-Sébastien…), la dynastie Péricourt (père, fils – gueule cassé – et Madeleine, sa soeur) etc…. se joignent pour une sarabande funeste et joyeuse. P. Lemaitre tisse sur la trame de l’immédiat après guerre le  » scandale des exhumations militaires », invente une arnaque aux monuments aux morts, entremêle le tout  et compose ainsi une veritable fresque ….

Parfois ses mots claquent comme un rap chantant ….. »ses grosses galoches écrasaient rageusement les flaques d’eau« …(p.388) ; « un état priapique proche de l’apoplexie » (p.397) …parfois elle dansent autour le sujet pour mieux le cerner…. « Physiquement, il ne restait de lui qu’un ventre surmonté de baccantes, une mase flaccdide et engourdie sommeillant les deux tiers du temps. Le gênant, c’est qu’il ronflait. Il s’éffondrait dans le premier fauteuil venu avec un soupir qui ressemblait déjà à un râle, et quelques minutes plus tard sa brioche commençait à se soulever comme un Zeppelin, les moustaches frissonnaient à l’inspiration, les bajoues vibraient à l’expiration…ce magma prodigieusement inerte avait quelque chose de paléolithique…. » (p. 372)

Dans un drôle de « et pour finir… » (p. 565-567) P. Lemaitre cite non seulement les diverses sources dont un surprenant repertoire des Monuments aux Morts de la 1ere guerre mondiale http://www.monumentsauxmorts.fr/crbst_1605.html mais aussi un « hommage » aux textes d »auteurs auxquels il a « emprunté » : cela va de A comme Aragon, M. Audiard en passant par B comme Brassens jusqu’à Ishigouro, Patrick Rambaud, Antonio Muñoz Molina….et quelques autres….une liste qui me confirme les inspirations de haute volée de P. Lemaitre

http://lagrandeguerre.cultureforum.net/t50558-otto-dix

Pour clore voici le lien vers un article de P. Assouline auquel je souscris volontiers

http://larepubliquedeslivres.com/pierre-lemaitre-arpente-les-grands-cimetieres-sous-la-tune/ « ….La langue est magnifique d’autant que, de son ancienne manière, l’auteur a conservé le goût de l’humour noir avec ce qu’il faut de vivacité dans le ton, de sarcasme et d’ironie dans la manière pour faire passer parfois le plus abject : « Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après”. On y retrouve la respiration haletante du roman noir dans un mélange des genres auquel l’auteur a dû prendre du plaisir. Sa phrase est puissante, drôle, efficace, percutante, sans le souci poétique d’une quelconque ligne mélodique, ce qui s ‘explique quand on sait son indifférence absolue à la musique…. »

…et je viens d’apprendre que le livre est sur la short-list (9 romans) du Prix Goncourt.  Parfois j’ai pensé au E. Orsenna du passé (Exposition Coloniale » et « Grand amour ») – comme ces romans là « Au revoir là-haut »  se perd parfois dans un côté « too much » ou une approche « avec certaine facilités » – mais quel plaisir de lecture d’évasion

http://cuneipage.wordpress.com/2013/09/06/or-on-peut-tout-pardonner-a-quelquun-la-richesse-le-talent-mais-pas-la-chance-non-ca-cest-trop-injuste/comment-page-1/#comment-2890

A propos lorenztradfin

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8 commentaires pour Opus obus

  1. Yv dit :

    Pas lu celui-ci dont on dit le plus grand bien, mais j’ai lu Robe de marié que je n’ai pas aimé (je dois être le seul, mais j’assume)

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    • lorenztradfin dit :

      ….sur la liste de 6 prix litteraires de cette année, cela ne s’invente pas. Je viens de lire Alex » et «  »Travail soigné » (pas dans le « bon » ordre…) – pas du tout le meme genre que l’opus des obus, mais de bons polars solides, avec un scenario qui tient la route et des personnages attachantes. Pas lu « La robe de marié » (bizarre, en lisant le résumé je n’en avait pas trop envie…)

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  3. lorenztradfin dit :

    Et voilou – il a le Goncourt de cette année (2013) – certes au 12e tour, mais……

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