Oh râge ….

Strindberg a écrit pour le théâtre quatre « pièces intimes » : thèmes communs : l’illusion, le mensonge qui entoure la réalité, le sommeil qui engourdit les sens. Dans Orage (1907), le personnage central, d’une bonne cinquantaine , se trouve confronté à son passé (il a quitté sa femme et son enfant pour « vivre en paix »)….L’orage gronde, mais n’éclatera pas…juste une pluie….

Vue hier soir à la MC2 de Grenoble – dans une mise en scène de jacques Osinski

http://www.mc2grenoble.fr/mc2_programme_reservation/zoom.php?spec=1613

Marguerite Duras avait vu Jean Vilar dans cette pièce et a été touché par la densité des dialogues, le thème du couple éternellement déchiré et l’image du piano comme catalyseur des souvenirs… « La fatalité des liens entre les partenaires d’un couple, l’épuisement constant de la conversation, la forme écorchée du dialogue » ( Les lectures de Marguerite Duras – Saemmer/Patrice) a fortement influencé son oeuvre. Et il faut dire que 100 après son écriture, la pièce tient encore assez bien debout.

Entrée en matière surprenante, la chanson « Ouvre » en exergue….interpretée par Suzy Solidor …. http://youtu.be/JkoUpBvvuYU

Ouvre les yeux, réveille-toi,
Ouvre l´oreille, ouvre ta porte,
C´est l´amour qui sonne et c´est moi
Qui te l´apporte.

Ouvre la fenêtre à tes seins,
Ouvre ton corsage de soie,
Ouvre ta robe sur tes reins,
Ouvre qu´on voie.

Ouvre à mon coeur ton coeur trop plein
J´irai le boire sur ta bouche!
Ouvre ta chemise de lin,
Ouvre qu´on touche.

Ouvre les plis de tes rideaux,
Ouvre ton lit que je t´y traîne,
Il va s´échauffer sous ton dos,
Ouvre l´arène.

Ouvre tes bras pour m´enlacer,
Ouvre tes seins que je m´y pose,
Ouvre aux fureurs de mon baiser
Ta lèvre rose!

Ouvre tes jambes, prends mes flancs
Dans ces rondeurs blanches et lisses,
Ouvre tes deux genoux tremblants,
Ouvre tes cuisses

Ouvre tout ce qu´on peut ouvrir,
Dans les chauds trésors de ton ventre,
J´inonderai sans me tarir
L´abîme où j´entre.

Un peu de surprise, je ne m’attendais pas à une chanson tendrement crue pour le sujet de la pièce….à part le « ouvre » (adressé (peut-être) à Monsieur, la personne qui s’est renfermée, qui vit en vase clos, en mode hérisson ou comme dans un « aquarium » et n’ouvre jamais les fenêtres de on chez soi…..) je ne voyais pas le rapport – (pour moi ce n’est pas l’amour qui a sonné à la porte)

De piano, un bout de Chopin (Opus 66) m’allait (classiquement) déjà mieux (en milieu de la pièce) https://www.youtube.com/watch?v=-K-qpwazmFQ

Jean-Claude Frissung (« Monsieur ») était formidable, crédible, convaincant, avec de la présence. Son frère (joué par Michel Kullmann) ne lui arrivait pas à la cheville (pour être théâtralement correcte)

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« Et comme ça on est tranquille… Pas d’amour, pas d’amis, un peu de compagnie seulement pour distraire la solitude ; et alors les hommes ne sont plus que des hommes, ils n’ont plus aucun droit, ni à vos sentiments, ni à vos sympathies ; on se détache tout doucement, comme une vieille dent, et on tombe, sans douleur, sans regrets… »

Les certitudes de Monsieur sont ébranlées avec l’arrivée de son ex….qui lui demande de l’aider à retrouver sa fille que son (nouveau) mari a enlevée en s’enfuyant avec la jolie fille du pâtissier (plus jeune bien entendu) ….Mais Osinski a déjà préparé le spectateur en nous montrant (bien avant) les failles, la solitude, l’ennui de Monsieur…le craquellement de la façade.

Le Décor = une maison « aquarium » (grandes vitres – jamais ouvertes, regard dans un apart’ qui est resté inchangé pour garder les « bons » souvenirs heureux d’une époque lointaine) … toutefois ce qui m’a gené c’est que les voix des personnes parlant de cet « intérieur » étaient alterées… De même la distorsion de perspective « architecturale : les acteurs parlent vers la salle, dirigent leur regard vers les fenêtres éclairées invisibles ….les commentent – et ces mêmes fenêtres se trouvent visibles derrières eux…mais je chipote…

Une belle, courte (1h20 environ) soirée sur des sujets universels (les  questions de l’âge, de la vieillesse ne doivent pas être oubliées) – en attendant la semaine prochaine « Cyrano de Bergerac » (dans un asyle de fou) (Pitoiset/Torreton).

A propos lorenztradfin

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