Ca commence avec un lapidaire « D’accord, mangeons là. » (Adame & Eve) en exergue – et ensuite une première phrase dans le Prologue :
« Moi, c’est Bravo, et je n’ai pas de bite. »
Avec une telle entrée en matière donc, aussi tonitruante, un roman ne peut pas être tout à fait mauvais.
C’est ce que je m’étais dit le jour de la remise du Prix de la Traduction Pierre-François Caillé décerné par la Société Française des Traducteurs (SFT) (7.12. à l’Unesco/Paris) à Marianne Faurobert pour sa traduction de l’italien (et un peu du piemontais, comme elle m’a dit) du roman
« Seuls les innocents n’ont pas d’alibi » (de Giorgio Faletti – « Appunti di un venditore di donne » – heh pas du tout la même chose, non?)
Les 359 pages du roman se lisent facila-rapidement et procurent une petite ivresse souriante (genre page-turner tranquille).
4e de couv’:
Milan, 1978. Au volant de son Austin Mini, Francesco Marcona, alias Bravo, jeune voyou aux dents longues, écume chaque nuit les lieux interlopes de la ville. Pour y prendre du bon temps mais surtout pour ses affaires. Proxénète à l’impressionnant carnet d’adresses, Bravo se propose de mettre en relation de jeunes beautés avides d’argent avec des hommes riches en quête d’aventures sexuelles.
D’aventures sexuelles, Bravo, lui, n’en a guère. Quelques années plus tôt, ses attributs virils ont en effet été sacrifiés sur l’autel de mystérieuses représailles. Mais l’abstinence sexuelle, volontaire ou contrainte, n’empêche pas les sentiments. Aussi, lorsque le hasard place sur sa route Carla, prête à tout pour s’offrir une vie meilleure, Bravo tombe-t-il éperdument amoureux. Un coup de foudre, bientôt suivi de coups de feu, qui pourraient bien avoir raison de ce qui lui reste de peau.
Seuls les innocents n’ont pas d’alibi, dont l’action se déroule au moment de l’enlèvement du dirigeant démocrate-chrétien Aldo Moro, nous entraîne au coeur des ténèbres, à travers le dédale des années de plomb italiennes marquées au fer rouge par l’ultraviolence terroriste.
Faletti ne nous propose pas d’approche particulièrement novatrice du polar, mais on accompagne avec plaisir Bravo, le héro proxénète au grand coeur : il y a des morts, des presque morts, des coups de théâtre, de belles femmes, Aldo Moro en toile de fonds, des énigmes…tout ça dans un style qui rapelle parfois San Antonio (…Hamlet avait le cul bordé de nouilles….ou le painco Diego devient Le Godie) :
« La femme qui est devant moi est si lumineuse qu’elle éclipse les innombrables spots du salon. Ses cheveux couleur miel, coupés court, encadrent un visage qui semble un écrin, ses yeux sont des bijoux. Son regard une énigme à se damner…[..]..Je pense à trop de choses. Je choisis de fixer mon attention sur une seule : la plus facile, la plus sûre et donc la plus vile….. »(p.114)
Style simple, direct, souvent comme un coup de poing, et toujours avec une trace d’humour noir ou jaune. Les monologues et pensées de Bravo constituant une grande partie du livre entre des dialogues rapides, incisives, la version cinématographique du roman (sa trâme s’y prête absolument) sera certainement très plate.
Un grand bravo à la traductrice dont le nom ne figurait nulle part dans la première édition du roman (une honte!).
Merci pour cette chronique de lecture. Je l’avais commencé en décembre, mais je compte m’y remettre prochainement. J’avais beaucoup apprécié le style très clair et les situations dignes de mes séries TV/films préférés. Et beaucoup d’émotion en lisant les passages intérieurs de Bravo aussi…
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