« La fiction éclaire comme une torche […] La fiction ment […] Je suis romancier, je mens comme un meurtrier. Je ne respecte ni vivants, ni morts, ni leur réputation, ni la morale. Surtout pas la morale » (pages 7-8).
Ahh ….ce Regis Jauffrey – toujours entre réalité et fiction, à la recherche des zones d’ombre qui les bordent!
En 2005, le meurtre du banquier Edouard Stern par sa maîtresse, Cécile Brossard, a noirci les Unes de la presse et fait lècher les babines des journaux TV. Régis Jauffret a pu assister au procès (pour le Nouvel Observateur). Il y puise la matière pour un roman sorti en 2010 – et choisi « au hasard » à la bibliothèque de Grenoble – dans une écriture sans jugement, limpide, juste, précise (journalistique) avec parfois des excursions métaphoriques comme il sait en faire – je frissonne encore en pensant à son « Claustria ».
Oui, finalement, c’est ce que j’apprecie dans son écriture: il a une écriture au scalpel et ne juge personne. Ni la meurtrière, ni les activités sadomaso, la richesse, les écarts de la loi des puissants, la vie des « autres », des « pauvres » qui grignotent ce qui tombe de l’assiette…
Somme tout un petit livre qui se lit rapidement (160 petites pages), mais qui ne m’a pas laissé une impression aussi forte que « Claustria ».
Quelques phrases « soulignées » et sorties de leur contexte…et elles (ré-)sonnent :
« Nous avons connu le goût sucré de la routine rassurante de la vie de couple dont rêvent les amants lassés des rendez-vous furtifs et des nuits écourtées » (page 32).
« Les histoires d’amour obéissent à des lois inconnues du reste de l’univers » (page 45).
« Les évènements flottaient dans le plus grand désordre, comme la cargaison d’une goélette coulée par des pirates » (page 153).
Ou pour illustrer le style sec et court qu’il peut utiliser parfois:
« Il bandait. Il a déplié un lit de camp. De ceux où les soldats dorment à la guerre. Il l’a installé au milieu de la pièce. Nous avons fait l’amour. Entouré d’armes, il était tendre. On aurait dit qu’elles veillaient sur lui. Il m’a prise. J’ai joui. « p.67)
Ping : Papa | Coquecigrues et ima-nu-ages