« Peste & Cholera » (Patrick Deville)
Le livre qui m’a le plus enthousiasmé cette année, et autrement que le prix du Livre Inter. Déjà se trouvait dans la liste du Livre Inter cette année un fascinant « Kampuchea » du même auteur. Là il m’a scotché avec le récit d’un personnage dont je n’ai jamais rien entendu : Alexandre Yersin.
Nous sommes au temps ou il y a encore du blanc sur les atlas et plein de maladies inconnues et non-traitées. Yersin va travailler avec Pasteur (Il fait partie de la bande des pasteuriens). Il découvre et vainc la peste, quitte la Suisse pour l’Allemagne, l’Institut Pasteur pour les Messageries Maritimes, la médicine pour l’ethnologie, celle-ci pour l’agriculture et l’arboriculture (le roi du caoutchouc et de la quinquina – c’est lui)….cet aventurier de la bactériologie qui aura finalement vécu presque 50 ans aux abords de la mer de Chine et qui n’aura pas de prix Nobel (puisqu’il n’existait pas encore) … m’a tout simplement épaté.
Moi qui n’aime à priori pas les biographies, là écrit par « le fantôme du futur » (toutefois sans anachronismes), basé en premier lieu sur les archives de l’Institut Pasteur, les lettres écrites par Yersin….une vie comme on en voit pas tous les jours. Je me suis laissé happer par ce récit d’une langue qui n’a pas peur de sauter d’une écriture ciselée à un style familier, décontracté…(les pages sur la manière dans laquelle Yersin convainc l’ambassadeur frc. de Hong-Kong de faire des essais de traitement sur des Chinois – 122 ff sont tordantes – « avant que les Chinois qui se croient tout permis se permettent de donner des noms chinois à leurs villes….n’importe quel pékin pouvait s’y retrouver sans ouvrir l’atlas…. »…
« Roman » (normal, Deville décrit des scènes sur la base de quelques annotations….) placé toujours dans un contexte du début d’un siècle meurtrier….avec les va-et-vient entre les personnages-secondaires (les Paul Doumer, Roux etc…) nous assistons à une vie d’aventurier (fou ?) et une histoire de la science.
Un extrait symptomatique du mélange de styles, de l’art de l’a-parté qui – pour moi – caractérise Patrick Deville et qui necessite – et qui m’a rendu necessaire d’avoir mon Dictionnaire à côté de moi ….
« On déroule souvent l’histore de la science comme un boulevard qui mènerait droit de l’ignorance à la vérité mais c’est faux. C’est un lacis de voies sans issue où la pensée se fourvoie et s’empêtre. Une compilation d’échecs lamentables et parfois rigolos. Elle est comparable en cela à l’histoire des débuts de l’aviation. Eux-mêmes contemproains des débuts du cinéma. De ces films saccadés en noir et blanc ou l’on voit se briser du bois et se déchirer la toile. Des rêveurs icariens harnachés d’ailes et tutu courent les bras écartés comme des ballerines vers le bord d’une falaise, se jettent dans le vide et tombent comme des cailloux, s’écrasent en bas sur la grève. » p.147
Voir la belle critique de hermitecritique (avec lequel je suis compplètement en phase) : http://hermitecritique.wordpress.com/2012/09/01/critique-peste-et-cholera-de-patrick-deville-cd/
« Oubliez Angot, oubliez Djian, Bellanger et autres livres que les journalistes nous font passer pour des “passages obligés” de cette rentrée. Oubliez les fausses polémiques, les débats faussés pour savoir si oui
ou non la maison Gallimard va se séparer d’un de ses éditeurs. Oublions
un peu tout ça et penchons nous sur un des grands livres publiés ce
mois-ci, Peste & Choléra de Patrick Deville. Est-ce avec ce roman que Patrick Deville, déjà très estimé par la critique et par un groupe de fidèles lecteurs, va désormais toucher un large public ? On peut le souhaiter, ou bien le rêver….. »
Ping : Paz | Coquecigrues et ima-nu-ages