Non, vous n’y êtes pas, ce n’est pas un traité new age. Je vous parlerai ici de ma dernière lecture (en allemand). « Herkunft » (Origine) du metteur en scène Oskar Roehler (connu un peu en France de par sa mise en pellicule du roman de Houellebecq « Les particules élémentaires » (2006) en le « germanisant ») Roehler retourne par ailleurs à la caméra – si je lis bien la presse allemande – puisqu’il travaille déjà à une adaptation de ce roman pas encore traduit (sous le titre « Die Quellen des Lebens – Les sources de la vie »avec, entre autres, Jürgen Vogel, Meret Becker, Moritz Bleibtreu) .
Les critiques allemands écrivent: « »Herkunft“ est un roman que devrait avoir lu tout un chacun qui veut savoir comment nous, les enfants (allemands ndlecteur) des années 50 sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui. » Etant en plein dans la cible, j’ai acheté le livre lors de mon séjour à Berlin. Mais je ne me suis reconnu que partiellement.
Le roman est un premier roman, et à mon goût, moyennement abouti. Trop de petites « L’été a été ma patrie (Der Sommer ist meine Heimat gewesen), trop d’emphase parfois ou je dirai même une sorte de sentimentalisme à côte de passages trash genre « Une autre fois, mon père a baisé ma mère sur la nouvelle machine à laver de chez Siemens, probablement pour protester. Il le faisait par derrière…J’étais dans la porte (il a 4 ans…nd lecteur) et regardais…et cela m’a plu…(p.204) » , des longueurs aussi (notamment période internat)…. Mais…
….il y a le reste sur les 583 pages. Le roman parle de la recherche de sa propre identité dans le maelström d’une société qui essai de se reconstruire et retrouver « sa place dans le monde » et dessine en même temps l’histoire (superficielle) de l’Histoire d’Allemagne depuis la 2e guerre mondiale. Nous croisons donc les grands-parents du narrateur (le grand-père côté père rentre – à pied – de Russie longtemps après la fin de la guerre et ne sait si sa famille, sa femme vont l’accepter, diminué comme il est. Sa femme, pendant la guerre s’est crée un équilibre – là, il y a de nouveau l’homme qui perturbe….Il va se trouver une place dans cet équilibre, créer une entreprise ….Mon histoire personnelle c’est que mon père à moi est revenu en 1953 de Russie, je suis né en 1954 …un écho donc qui me rendait particulièrement attachante, limite émouvante, toute cette première partie du livre). Quant aux grands-parents du côté mère du narrateur, ils sont de la bonne bourgeoisie parvenue, le père grand cadre chez Siemens, la mère essayant de tenir le « rang », les deux filles qui ne réalisent pas les illusions/rêves des parents…., loin de là….(…Entretemps sa 2e fille aussi s’est donné la mort. Mais il avait tout oublié. Dans son cas, Alzheimer était une chance (p.356)…. »
La rencontre du père et de la mère, la naissance non-voulue (assez dures les pages ou l’auteur parle des essais de sa mère d’empêcher la naissance ((« …elle m’a dit que ma naissance était telle le plop d’un bouchon de champagne qui saute… »), le divorce des parents, la « récupération » de l’enfant (quasi abandonné par un père qui préfère vivre une vie de queuetard) par les grand-parents côté mère, vie dans le luxe, internat, rébellion, premiers amours, découverte de et sauvetage par Berlin….Baader Meinhoff…drogues……
L’auteur prend bien garde d’avertir le lecteur que tous les personnages sont fictives etc…….mais le monde de l’édition et des critiques n’est pas dupe et se délecte de cette biographie à charge ….
Le père de Roehler était lecteur en chef d’une grande maison d’édition (et s’est occupé entre autres de Grass), a été, comme le personnage du roman, refusé dans le Groupe de 47, ou sa femme (la mère de Roehler y a été accueilli les bras ouverts (des personnages comme Enzensberger, Johnson etc….) …et la haine, l’amertume transpirent bon nombre de pages…mais restent comme en sourdine, et sans une once de « revanche ».
Je pense que je regarderai bien le film quand il sortira un jour en France…Quant aux lecteurs français futurs et éventuels, je dirai pourquoi pas? Si on aime les romans qui n’ont pas peur de s’attaquer aux parents de la génération ’68, qui laissent entrevoir un portrait d’une génération (différente, je vous l’assure, en bon nombre de points de celle de l’autre côte du Rhin), un roman plein de douleur, passion et tristesse, tout en étant d’une vitalité et une volonté de survivre…) voilà, il sera pour vous. (par ailleurs, pour finir la boucle et revenir sur le terrain de la littérature française: c’est un roman parfaitement à l’opposé d’un Lindonien « Ce qu’aimer veut dire »…)
http://www.welt.de/print/die_welt/vermischtes/article13610071/Generation-Kaputt.html