Après une dizaine de livres imposés (par notre Jury parallèle au Livre Inter), il y’avait comme un flottement (certes Yves m’a donné quelques idées, Vincent aussi ) mais je voulais (re-)commencer tout seul et errais entre les rayons des librairies au gré des premières de couverture.
Ayant plutôt aimé le dernier Houellebecq (le Goncourt de 2010) je me suis dit pourquoi pas me faire moi-même une idée de « Plateforme » un livre de 2001 qui, à l’époque avait fait scandale ou au moins beaucoup fait parler de lui.
Le personnage principal : un quadragénaire célibataire, fonctionnaire au ministère de la culture. Il rencontre lors d’un voyage (Thaïlande) Valérie qui mène une brillante carrière à Nouvelles Frontières. Michel, plutôt malheureux et morne sur les bords est surpris de découvrir que le bonheur et l’épanouissement avec une femme est possible. Valérie va travailler pour un grand groupe hôtelier et Michel lui apporte ses théories sur les réelles motivations des Occidentaux en quête d’ailleurs. Ils créent un nouveau concept de Club Vacances (le tourisme de charme), les Eldoradors Aphrodite…
Le roman se lit d’une seule traite (il n’est peut-être pas aussi abouti et jouissif que « La Carte…. ») et comme à l’habitude on profite de passages placides et/ou férocement lucide sur ce qu’est notre Occident à nous en ce début de XXIe siècle.
A sa sortie en 2001, le livre fit scandale (islam apologie du sexe) et on a accusé Houellebecq de faire la promotion du tourisme sexuel (l’idée du « tourisme de charme »). Et du sexe on en a toutes les 30 pages : des scènes érotiques, (limite) porno, salle de massages, clubs échangistes, trio….. L’économie et le sexe se rejoignent, se corrèlent, ou s’opposent, mais en tout cas marchent de pair dans la tête du narrateur.
Tout ça se mêle, comme dans « La Carte et le territoire » : réflexions sur l’économie du tertiaire, du service, de l’information, c’est-à-dire du ‘rien’, l’industrie productive, l’industrie de l’art, la télévision (déjà Lepers et son jeux de « questions pour un champion »), l’islam, terrorisme, l’homme face à sa vie……
Finalement il faut dire qu’il est fort ce M.H. de jouer avec un langage plutôt soutenu pour nous faire lire « la chose crue » et dans la phrase après il nous sort Auguste Comte ou un traité sur l’économie du tourisme ou nous résume en trois phrases soit le Grisham « La firme » ou un roman de Baldacci.
Michel H. provoque intelligemment, il reste quelque chose au lecteur, ou selon la formule : on « ne reste pas indemne » …
J’ai particulièrement aimé les 130 premières pages (description d’un voyage de groupe en Thaïlande) mais trouve que le reste et un bon « read » aussi. Restent en tête une belle juxtaposition de dialogue de deux mecs dans un bar sur Dieu, Chamfort, les juifs, le racisme, les blancs et en même temps la recherche (avec les yeux…) d’une fille pour un massage (ce sera le n° 47 finalement !) et la conception dans la tête d’un film autour de ceci : (« Vous avez aimé Le salon de musique, vous adorerez Le salon de massage) – passage, pour moi particulièrement éloquent quant à sa manière de mêler l’infiniment petit avec le grand, avec une triste légèreté et mélancolie cynique.