« Tout individu avançant ainsi avec à sa suite, guettant par-dessus son épaule, toute une cohorte de créatures fantomatiques dont il sent la présence mélancolique, jalouse et fraternelle, êtres qui réellement ou virtuellement ont été lui, certains déjà morts, d’autres qui resteront toujours à naître, ceux qu’il fut et dont il sait déjà plus rien, ceux qu’il n’a pas été et dont il ne saura rien non plus, créatures sacrifiées dans le massacre des mondes ou avortées dans les fausses couches du temps, avec de l’un à l’autre de ces êtres un vague air de famille, la même voix, les mêmes yeux, tout un peuple de personnages distribués par le hasard pour jouer sur la scène éventuelle d’une collection inouïe de drames, répertoire d’histoires vertigineusement déployés dans toutes les dimensions de la durée et devant lesquelles la raison défaille si elle entreprend de les considérer. Ce qui a été , ce qui aurait pu être, toutes les possibilités du possible en tant que possible, ce que César aurait pu accomplir s’il avait écouté l’augure, les choses non connues, le chant que chantaient les sirènes, le nom qu’Achille portait quand il vivait parmi les femmes, poussières du possible ….. » (p. 188-189 Le siècle des nuages » P. Forest
[peinture réalisée en 1995 dans une autre vie]